Chers lecteurs, chers lectrices voici un extrait de mon roman à retrouver ici >
CyawindChapitre I
« Yoma est le pire démon qui existe, je crains que même le Maître du Mal ne puisse rien contre lui. Pourtant il nous apparait comme un démon assez simple et de seconde classe. Nous avons encore eu des catastrophes par sa faute, il faut agir et vite. Surtout protégez le seul morceau de Cyawind que nous avons, et faites quelque chose pour Yoma. »
C’est la seule consigne donné par l’un des Régisseurs de Phobos, une dimension connue pour sa forêt cauchemardesque et autres paysages angoissants dans lesquels les enfants se perdent dans leurs mauvais rêves. Cependant, les habitants de Phobos ne sont pas forcément démoniaques, tout du moins pas tous.
Yoma, qui est présenté comme étant un problème, est un type assez mystérieux, personne ne sait qui il est exactement, mais il est considéré comme tant d’autre, un simple démon comme n’importe quel habitant de Phobos sans aucune particularité très dangereuse si ce n’est que ses meurtres. Il s’agit là surement d’une grossière erreur.
Autour du Régisseur, les hommes restent sans solution, ils se regardent bêtement tout en gardant le silence. Alors que la salle est plongée dans de grandes réflexions, la porte s’ouvre brutalement sur une femme menue, mais elle semble très entraînée. « Je me permets de vous déranger dans votre petite réunion car j’ai entendu votre appel. Je connais bien Yoma, laissez-moi m’en charger !
- Quoi ? Une femme ? S’esclaffe un des hommes qui se tient autour du Régisseur.
- Je ne vois pas où est le problème.
- Une femme comme toi ne peut pas se mesurer à Yoma. Tu ne sais pas de quoi il est capable ! Pauvre folle, retourne à tes poulets pour préparer à manger !
- Tu crois que je suis une bonne à tout faire ? Je voulais justement tester ce qui se trouve dans mon sac, des armes redoutables qui bouffent absolument tout. Même Yoma ne peut rien faire contre ça.
- Ah oui ? Yoma trouve toujours des sol…
- Suffit ! Interromps le Régisseur. Jeune femme, tu es bien assurée, quels sont ces armes si redoutables ?
- Afin de ne pas provoquer d’incident, je vous emprunterais bien une coque vide ou autre matière qui vous est d’aucune utilité.
- Bien. Fais ta démonstration sur cette chose qu’on vient de m’apporter.
La femme ouvre son sac et en sors des gros asticots à pattes, quatre mandibules raclent le sol pour trouver quelque chose à manger. Ils envahissent un corps sans vie au sol et plantent leurs mandibules dans son enveloppe charnelle.
- D’ici peu, ce corps sera poussière. Bien sûr, un être tel que Yoma aura bien plus de résistance. Il souffrira davantage et finira par mettre un genou à terre.
- Intéressant. Tu es prête à te mettre en danger pour nous ?
- Bien sûr ! Yoma est un problème, il en fait pâtir tout le monde, même sa propre famille. Quoiqu’il arrive il faut se débarrasser de ce problème. Pour cela, je me propose.
- Tu es vraiment courageuse. Je te donne mon autorisation. Ainsi soit tu rentreras avec la tête de Yoma, soit tu périras et c’est lui qui te ramènera. N’oublie pas ton but, même s’il faut mourir pour ça.
- Merci. »
La porte se referme et tous les hommes se regardent entre eux encore plus bêtement que précédemment. Le Régisseur se lève et se dirige dans ses appartements personnels. Quant aux autres, chacun retourne à ses affaires. C’est un risque à prendre, il faut préparer les armes si jamais Yoma arrive à ses fins.
Plus tard dans la journée, la femme avec son sac remplit de vers mangeurs de tout entre dans une jolie maison qui se révèle être un magasin avec une salle séparée par des portes coulissantes, de l’autre côté se trouve la maison de thé, ou salon de thé de son nom commun. Un jeune serveur arrive en souriant, il prend son manteau pour le ranger, et glisse les portes coulissantes pour la laisser entrer dans la salle. A ce moment il la rejoint et referme derrière lui, il emboîte le pas à la femme et la conduit dans une succursale, il la laisse seule et fait chemin inverse. « C’est Calidie ! » Se présente la jeune femme avant d’entrer.
La porte coulisse et Calidie entre dans le couloir se protègeant le nez et la bouche avec sa manche, l’odeur d’encens qui règne dans l’air est forte, et peut-être empoisonnée. La femme traverse le long corridor avec pour seule lumière celle des flambeaux sur le mur. Yoma vit dans un endroit mystérieux et déstabilisant, à ce propos, il réside à la surface ou sous la terre ? Calidie glisse sa main sur un panneau en bois, il coulisse et une lumière violette inonde la moitié du couloir qu’elle vient de traverser. La femme referme le panneau en bois, s’installe sur un coussin et attend. Rien que penser voir Yoma donne des frissons à la femme. D’habitude il se présente couvert de la tête aux pieds, son visage lui est inconnu, elle ne connait que son écharpe violette qui s’emmêle dans les vêtements tellement elle est longue. Chaque fois que Calidie vient, elle espère voir qui se cache sous cette épaisse cape noire et ces drapés somptueux. « Seigneur Yoma ?
- Je suis là Calidie.
La femme sursaute, son cri est étouffé par la main de Yoma.
- Excusez-moi Seigneur Yoma, j’ai été surprise. Vous êtes si rapide et discret !
- Ce n’est pas grave. Aujourd’hui j’ai préparé du thé à la cannelle et à la fraise. Tu m’en diras des nouvelles.
- Merci ! Ce que vous faites est vraiment délicat et bon. D’où vous est venu ce talent pour le thé ? Je ne connais pas beaucoup de personne qui maîtrise cet art aussi parfaitement que vous, et puis vous utilisez des ingrédients pas toujours adaptables pour le thé !
- J’ai toujours apprécié cette boisson, j’ai apprit. Je t’avouerais que mon énergie et mes capacités m’aident. N’hésite pas à manger ces biscuits que j’ai faits moi-même. ce sont des mi-cuits à la fleur d’oranger.
- Merci, vous êtes vraiment gentil. Je ne comprends pas pourquoi on vous qualifie de démon, apparemment même le Maître du Mal en personne vous craint.
- Ce n’est pas mon problème. Craint ou pas je vais là où bon me semble. Calidie, pourquoi te couvres-tu le nez et la bouche ainsi ? Tu sais, je ne vais pas t’empoisonner.
- Désolé, l’atmosphère n’est pas très respirable, il y a une odeur forte qui me rend malade.
- Je comprends, met ce foulard, il te protégera.
- Merci, répond Calidie en prenant l’étole et l’enroulant jusque son menton et passant sur le nez sans obstruer la bouche.
- Ah ah ! On dirait une cyber-guerrière ! Rigole Yoma. Tu as une étrange façon de te protéger, mais si c’est bien pour toi alors soit.
- Seigneur Yoma, j’ai à vous parler de quelque chose de grave. D’ailleurs j’étais venu ici pour ça.
- Je t’écoute.
- Il vous faut partir Seigneur. Tout le village vous attrapera, je ne doute pas de votre puissance mais mieux vaut courir, Phobos et le Maître du Mal en personne seront là. Vous êtes déjà obligé de cacher votre visage, ne serait-il pas plus sage de partir ? J’ai aussi apprit qu’une arme redoutable à laquelle personne ne résiste circule. Peu à peu les habitants en ont. Il s’agit de vers mangeurs de tout, si jamais vous en avez dans le corps, même si cela prend du temps ils vous mangeront et vous souffrirez. Vous n’êtes déjà pas très épais, ce sera incurable et vous périrez couvert de ces bêtes. Partez dès ce soir, ne regardez pas en arrière.
- Je ne pensais pas que tu avais remarqué que mes vêtements sont trop larges. Si me couvrir jusqu’à la tête te dérange tant que ça, alors voilà.
Yoma défait son épaisse cape noire et ses drapés qui glissent sur le sol.
- Seigneur Yoma ! »
Calidie est si étonnée qu’elle n’arrive plus à émettre le moindre son.
Les cheveux de Yoma sont si longs qu’il siège dessus, son visage est comparable à celui d’une poupée de porcelaine, ses yeux légèrement en amande sont mordorés, un anneau rouge entoure la pupille et des éclats turquoises illumine ce sombre regard, sous l’œil gauche il y a un dessin ciselé de couleur noir et violet. La longue écharpe de cette même couleur étreint le cou de Yoma, sa veste mise simplement sur le épaules laisse apparaître son torse, ce que Calidie voit ne sont pas des muscles mais les os de l’homme. Ses mains aux doigts grêles sont posées sur ses genoux. Les bras de Yoma sont si maigres que la femme n’ose pas les saisir de peur de les casser, d’ailleurs elle fait deux tours avec ses doigts autour du poignet. L’homme porte trois ceintures serrées au maximum, son tour de taille est de 18, 6 centimètres, même un pantalon de petite taille lui est trop grand. Ses pieds rentrent largement dans le chausson de vair de Cendrillon tellement ils sont fins et petits, le rêve de bien des danseuses. Si un médecin voit Yoma, il lui dit sans hésiter que son état est de l’anorexie, ou de la famine. La peau de l’être si fragile est diaphane, Calidie voit parfaitement le parcours de ses veines. La femme effleure du bout des doigts ce corps si délicat. Impossible, ce n’est pas un corps matériel, ce que touche la femme est quelque chose d’éthéré. Plus elle voit Yoma, plus son objectif s’éloigne de son esprit, elle éprouve entre compassion et pitié, et penser que des vers le mangeront la fait souffrir, elle n’est pas un monstre.
Soudainement, l’homme perd connaissance et vacille, un affreux craquement fait réagir Calidie. C’est là une bonne occasion de l’achever mais elle n’y arrive pas. Elle le recouvre des drapés et de sa cape sombre et le soulève, surprise de le sentir aussi léger, faillant tomber elle se rattrape contre un mur. Yoma doit faire une vingtaine de kilos pour être aussi léger. Pour éviter de casser quelque chose, la femme fait une civière de fortune pour maintenir au moins la tête de l’être fragile. Ses cheveux retombent, afin ne pas marcher dessus, la femme les réunis et les attache du mieux qu’elle peut, puis elle les met dans la civière qu’elle accroche en faisant des lanières sur toute la hauteur de son dos. Elle sort, personne ne fait attention à ce que Calidie transporte mais la malheureuse trébuche sur l’écharpe violette qui traîne sur le sol, à nouveau elle se rattrape à un mur et sors en courant comme elle peut. Elle bouscule des passants, elle a chaud et ses jambes la torture, mais elle doit vite ramener Yoma chez le Régisseur. La route semble interminable, la femme voit enfin les remparts et glisse sous la grille, là elle s’arrête et souffle. Cet effort intense l’a beaucoup fatigué, l’air qu’elle respire lui brûle les poumons. Son arrivée fracassante est vue par un homme qui la tire jusque chez le Régisseur. Une fois devant lui, la femme le salue et explique : « Je vous rapporte Yoma, il a soudainement perdu connaissance, alors j’en ai profité pour le ramener et vous le montrer. Regardez. »
Calidie se défait de la civière et découvre Yoma sur le sol. Tous ceux qui sont dans la salle étouffent un cri de surprise. Le Régisseur se lève et s’approche de l’être fragile. Il s’agenouille et commence à examiner le corps du bout des doigts. « On dirait que son corps a rétréci.
- Son corps a toujours été ainsi, l’épaisseur est une illusion faite par les couches de vêtement qu’il porte. J’ai longtemps cru qu’il avait des os de verre.
- Il a vraiment une apparence cadavérique, un coup de dague lui déchiquèterait le corps entier.
- Etes-vous sûr que c’est lui l’auteur de tout le mal dont vous parlez ?
- Peu importe, enfermez-le dans une cellule renforcée. Je réfléchirais sur son cas. Vaka et Macha, occupez-vous de lui. »
Les deux appelés se chargent de mettre Yoma en cellule, ils s’exécutent en souriant, un méchant sourire. Calidie s’approche du régisseur et lui demande : « Qu’allez-vous faire ?
- Donne lui tes vers.
- Hein ? Mais ce n’est pas… Je ne l’ai pas amené ici pour ça !
- Ne prenons pas de risques inutiles. Ton intention était bonne toutefois Yoma peut très bien cacher son jeu et profiter de son apparence cadavérique pour commettre des crimes. Ne dit-on pas : l’habit ne fait pas le moine ?
- J’ai compris. »
Calidie prépare ses vers mangeurs de tout, un goût amer remonte dans sa bouche, la décision prise la dégoûte. La salle est plongée dans un silence de plomb, jusqu’à ce qu’un son mélodieux de talons brise ce silence. Chaque individu dans la salle étouffe un cri de stupeur quand Yoma apparait. « Ah ! Il est tellement maigre qu’il est passé à travers les barreaux ! Et maintenant quoi ? Que vas-tu faire Yoma ? » S’exclame Calidie soudainement animée par la présence de l’homme.
Celui-ci sort deux dagues, il continue à avancer d’un air innocent – presque absent – tout en tuant les hommes présents dans la salle se trouvant sur son passage. Il fait tomber quelques têtes avant d’arriver sur la femme qui l’a emmené dans ce pétrin – tout du moins, pour lui c’était le pétrin car il était recherché par les juges supérieurs et le Régisseur – et lever sa dague pour l’abattre sur sa tête. Au dernier moment, elle envoi un ver à la figure de son nouvel adversaire – qui avait été un peu plus tôt un ami – reculant étonné de la chose qui lui obstrue la vue. « Désolé Seigneur Yoma ! » S’écrie Calidie se rendant compte de ce qu’elle vient de faire. L’homme encore sous l’état de choc se débat du mieux qu’il peut et réussit à se débarrasser du ver. « Pourquoi m’as-tu envoyé ce truc à la figure Calidie ? Quels sont tes ordres ?
- Désolé Seigneur Yoma, je vous avais pourtant prévenu. »
Calidie jette d’autres vers sur Yoma qui tombe, son corps est secoué de spasmes avant qu’il ne perde totalement connaissance. Le Régisseur se lève et applaudis : « C’était très bien… Calidie, tu as fait ce qu’il fallait faire, j’imagine que ce n’était pas ton ennemi pour que tu t’excuse par deux fois.
- Bien sûr que non, j’ai joué un personnage.
- Alors tu es une excellente actrice ! Je te félicite.
- Maintenant, qu’allez-vous faire ?
- Je te laisse décider du sort de Yoma. Que veux-tu ?
- Qu’il soit dans le monde humain et qu’il perde toute sa mémoire.
- Bien, autre chose ?
- Non, je pense que c’est une condamnation suffisamment lourde pour lui. Je ne voudrais pas non plus trop le torturer, déjà que les vers entrent dans son corps, après tout, il est des nôtres et nous nous sommes peut-être trompés sur son cas.
- En effet. Bien, alors que ton souhait soit réalité ! »
Sur ces mots, le Régisseur applique sur le corps de Yoma une cire spéciale et il disparait en fumée. « Au fait, je vous le répète : les vers sont en lui. » Déclare Calidie d’un ton victorieux. « Ca aurait du le tuer directement, mais mieux soit ainsi, il souffrira en plus d’être dans le monde humain privé de tous ses souvenirs.
- Espérons qu’il n’ait pas ses capacités. »
Sur ce Calidie est récompensé comme il se doit et elle rentre chez elle. Sur le chemin elle lève la tête, contemplant les cieux d’un air mélancolique. « Seigneur Yoma, je suis vraiment désolé. Je vous donne l’autorisation de me tuer si vous revenez. Courage Seigneur. » Murmure-t-elle, puis elle continue sa marche en serrant ses mains contre sa poitrine. Elle commence à regretter d’avoir fait tout cela.